Il y a 10 ans, la presse en ligne était gratuite. Aujourd’hui elle est murée derrière des “abonnez-vous” presque systématiques. Comment en est-on arrivés là ?
Selon une étude de Reuters [1] les paywalls - qui bloquent la lecture complète des articles payants - sont devenus plus fréquents et plus stricts. Leur utilisation aurait doublé tous les 6 mois depuis 2016, selon cette analyse systématique [2] à l’échelle mondiale.Et la France est en tête de ce mouvement : 94% des journaux français utilisent un paywall, bien au-dessus des 33% au Royaume-Uni ou 40% en Italie ! Comprendre un tel écart ferait l’objet d’un post à part entière, mais il est clair que le niveau de compétition est un facteur déterminant et incite à plus de diversité des modèles économiques : l’exemple du Guardian qui propose son contenu gratuitement et fonctionne uniquement au don n’a pas d’équivalent sur le marché français.
Différentes nuances de paywalls existent : freemium, payant à partir de quelques articles, 100% payant… mais tous mènent à l’abonnement. 15€ par mois en moyenne, toujours selon Reuters [1] (ce chiffre date de 2019 et a certainement baissé depuis). Ce prix modéré ne suffit pas à convaincre : alors qu’une majorité de français [3] affirme que la presse est une composante importante de notre société, seuls 11% ont payé [4] ne serait-ce qu’une fois dans l’année pour la lire ! La proposition ne conviendrait-elle pas ? Pourtant les bénéfices de ces “murs d’abonnement”, mis en avant par les journaux sur les paywalls eux-mêmes, sont clairs : ils sont la promesse d’une qualité de contenu et d’une indépendance éditoriale accrue. Les risques et les effets pervers d’une presse emmurée sont toutefois moins évoqués. Le passage d’un accès libre aux informations à un accès réservé aux abonnés a d’importantes conséquences sociales. Comme on l’a vu, la part des internautes qui paient aujourd’hui pour la presse est faible ; elle est aussi inégalement répartie dans la population. Une immense majorité a de fait un accès limité à l’information recherchée et vérifiée. Quant à ceux qui s’abonnent, ce n’est jamais qu’à un seul titre [5], renforçant ainsi l’effet “chambre d’écho” sans la possibilité d’accéder facilement à du contenu divergent.
Générer plus de revenus directement des lecteurs est la solution privilégiée du moment pour permettre aux journaux de produire du contenu de qualité ; mais élever des murs pour diviser la presse en ligne en clubs exclusifs et imperméables est une option qui semble opposée au but premier du journalisme : informer le plus grand nombre. Elle n'est d’ailleurs pas plébiscitée par les lecteurs. Les journaux en sont conscients et cherchent un modèle rentable pour remplir au mieux leur mission au service du public.
Chez PassePartout, nous sommes convaincus que, si les paywalls 100% abonnement ont permis à certains titres de trouver une nouvelle rentabilité, leur omniprésence pose un véritable problème. N’emmurez pas les journaux. Créez des portes.